dimanche 20 février 2011

Michel



Ce soir, entre deux embrassades,
je remarque un petit garçon dans la queue.


Sa peau est diaphane et son regard si noir
me fixe avec un calme inhabituel.

De temps à autre, il adresse à sa mère un regard amoureux
et avec tendresse
lui embrasse la main.

Le visage gracile de cette femme
si fine, si petite,

se confond dans la foule des enfants.
Elle sert contre sa veste élimée
un vieux polaroïd.


Le garçon danse discrètement d’un pied sur l’autre ;
cela fait quarante minutes qu’il piétine

fébrilement et son petit corps lutte contre le froid.
Des bas de laine fatigués côtoient un
short d’été
et un blouson trop grand lui balaye les genoux.

Mais toujours il tient dignement
la main blanche de sa mère,

qui toute entière se tend
vers les lumière de l’estrade.


Quand arrive le tour du garçon,
le visage de la mère s’illumine.

Elle prend l’enfant par les épaules,
ses longs doigts fins imprimés sur ses omoplates

et lui murmure : « C’est à toi, mon grand. »

L’enfant approche à petits pas mesurés.

Les bras sagement rangés le long du corps,
droit comme un « i », il s’arrête devant moi,

examine mon pompon en polyestere,
ma barbe synthétique trop brillante,
mon ceinturon plastifié.


Délicatement, il se hisse fluet sur mon genou gauche,
approche son visage grignoté par le froid
et
me souffle à l’oreille :
« Je sais que tu fais semblant.
Moi aussi. »


Il jette un coup d’œil vers sa mère.
Elle a libéré le polaroïd de son enveloppe de cuir,

fléchit les cuisses et caché son visage derrière le viseur.

Le garçon m’adresse un sourire désolé
tandis que ses doigts caressent doucement

ma barbe trop lisse.

Puis ses lèvres douces décomposent avec lenteur
le mouvement d’un baiser sur ma joue.


La décharge mécanique du polaroïd
retentit dans la nuit.






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