dimanche 20 février 2011



Ses mains avaient lâché les aiguilles du tricot.


Odile avait fermé les yeux.

Les rideaux de voile frémissaient devant la fenêtre.
Le chat avait relevé la tête, et son oreille faisait comme
le battement d’aile d’un papillon.
Il regardait Odile les yeux mi-clos.
La lumière de la fin d’après midi coulait tranquillement
de l’or dans ses prunelles émeraude.

Odile tendait légèrement le cou vers le plafond.
Les yeux humides et doux comme une tortue de terre,
elle opinait du chef, de la droite vers la gauche,
dans un mouvement infime,
et les plis de son cou faisaient comme du papier crépon,
s’articulaient comme les soufflets d’un accordéon.

Les vibrations la traversaient ; elles couraient le long des murs,
allaient et venaient, roulaient sur le sol comme l’écume,
le serpent de mer.

Une onde touchait parfois ses pieds maigres, fragiles,
se glissait le long de sa voûte plantaire, poursuivait sa course
le long de ses bas de contention,
delta de nylon.

Ils avaient lâché percussions, caisse claire et basse rocaille,
chaque accord pressurait l’espace.

On entendait râler les voisins d’à côté, qui d’un revers de poêle
frappèrent les canalisations.
Le bruit sourd du métal courut en cascade dissonante dans les étages.
Un frisson sur la nuque d’Odile courut se réfugier dans son chignon.

Chaque ride de son visage s’était détendue ;
elle souriait, radieuse dans la lumière du soir.

Odile aimait le bruit.
La victoire du vacarme sur le silence,
la victoire du tumulte contre la ouate,
quand ses oreilles n’entendaient plus le chant léger des oiseaux au dehors,
les voix lointaines des enfants qui ricochent sur les façades,
les vrombissements des voitures, les claquements de portière,
les notes d’un piano qui se perdent dans l’air,
la sonnette d’un vélo...

Odile aimait les barres de fer,
les travaux,
les marteaux piqueurs.




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